Conscient que le succès de la construction bois se joue aussi à l’échelle régionale, au plus proche des clients, Architecture Bois interroge à chaque numéro les acteurs qui contribuent au dynamisme de la filière. Ce mois-ci, Stéphane Michel, délégué général de l’interprofession Francîlbois, nous livre sa vision du marché et de ses évolutions.
« Francîlbois a été créée en 2005. L’interprofession est véritablement opérationnelle depuis 2014. C’est-à-dire depuis qu’elle est financée. Le financement de notre interprofession est constitué de 80% en fonds publics et 20 % en fonds privés, comme d’autres interprofessions. Il existe 13 interprofessions en France. La plupart d’entre elles se sont constituées parce qu’elles ont une ressource et des acteurs de la première transformation, alors que ce n’est pas le cas en Île-de-France, où il y a peu de ressources en résineux et peu d’acteurs de la première transformation.
L’Île-de-France est d’abord un marché et l’interprofession doit se construire dans ce contexte. L’Île-de-France est un débouché pour l’ensemble de toutes les autres régions.
Ce que j’essaie de faire depuis mon arrivée en 2016, c’est de m’en tenir aux missions fondamentales de l’interprofession, à savoir, conformément à l’article 632-1 du code rural, le rapprochement de l’offre et de la demande et notamment de leurs acteurs, à l’identification, la qualification de cette demande pour se tourner vers les acteurs de la filière et dire : « voilà ce qu’on vous demande aujourd’hui si vous voulez envoyer du bois sur les chantiers ».
En Île-de-France, il y a de grands maîtres d’ouvrages publics qui sont naturellement contraints par la nécessité de se conformer à des impératifs. Ils ont notamment besoin de 4 choses pour passer à l’acte de construire en bois : les prix, les délais, la qualité requise et une conduite d’opération qui le permette et évite les litiges. Ils doivent donc pouvoir s’adresser à des acteurs suffisamment structurés pour réaliser les opérations demandées, comme c’est le cas pour tous les autres matériaux.
En matière de bois, le problème n’est pas un problème de bois, c’est un problème de boîte ! Car les acteurs de la filière connaissent en général très bien leurs métiers mais doivent désormais pouvoir les intégrer dans le process global de construction. Nous nous attachons donc à faire connaître les acteurs et leurs compétences.
Nous allons ainsi constituer, comme cela nous est aujourd’hui demandé par les décideurs, un catalogue de l’offre construction bois avec présentation de sa chaîne d’acteurs. Qui sont-ils, d’où viennent-ils, comment travaillent-ils, avec quelle organisation et quels équipements, qu’ont-ils réalisé ?
La notion de rapprochement de l’offre et de la demande implique comme premier travail de l’interprofession, l’identification des besoins de la demande. Ces besoins, c’est avant tout d’avoir, devant elle, des acteurs qui rassurent quant à leur capacité à pouvoir délivrer des prestations, étant entendu que, dans le monde des maîtres d’ouvrage, la prestation, c’est l’ensemble de la construction.
De mon point de vue, la filière doit vendre ses acteurs, l’histoire de notre pays avec le bois, la modernité du matériau et l’excellence de ses professionnels. Et nous devons absolument permettre aux maîtres d’ouvrage de rencontrer les acteurs et de retrouver ce lien culturel multiséculaire. Nous sommes un pays d’excellence et en mutation en matière de matériaux biosourcés. Retrouver ce lien culturel profond demande aujourd’hui de la ténacité.
Nous disposons pour cela d’un outil très pertinent, élaboré avec la DRIAAF et la Région Île-de-France en 2015, la Charte Bois Construction Publique Exemplaire. L’État et la Région y accordent une importance particulière. Les signataires de la charte, maîtres d’ouvrage publics ou bailleurs sociaux, s’engagent à réaliser au moins une construction neuve et une réhabilitation en utilisant un volume minimal de bois au m². La charte est avant tout un outil de sensibilisation pour que les maîtres d’ouvrages et les maîtrises d’œuvre continuent à utiliser le bois après avoir essayé ce matériau, et pris connaissance de la chaîne d’acteurs.
Nous nous attachons également à traiter la question récurrente du chaînage amont-aval, c’est-à-dire de la valorisation dans les projets de la ressource telle qu’elle se présente. Nous avons, avec la Région Île-de-France, un programme intitulé : « 10 bâtiments publics construits et chauffés en bois local ». C’est une action que nous portons et pour laquelle nous travaillons avec des maîtres d’ouvrage. Le programme a démarré très récemment. C’est un sujet concret qui va nous permettre de nous interroger sur nos ressources, nos acteurs. L’Île-de-France est une terre de feuillus, châtaignier, frêne, … et peu de résineux. Quels types de feuillus peuvent être mis en œuvre et où ? Le feuillu est hétérogène, il ne se travaille pas de façon aussi standardisable que le résineux. Mais c’est la ressource de l’Île-de-France. Travaillons-là de façon pertinente. Ces bois, en second œuvre, sont pertinents dès aujourd’hui. Le contexte francilien s’y prête et est un appel à la mobilisation de ce matériau disponible : le marché y repart fortement avec pour conséquence une forte pression sur les entreprises, une pénurie de main-d’œuvre, de moyens, d’engins et de matériaux. Le bois peut y trouver sa juste place.
Enfin, il y a la formation, sujet capital. Il faut créer des formations au bois tous azimuts, formation des maîtres d’ouvrage, des maîtres d’œuvre, des bureaux d’études, des bureaux de contrôle. Et pourquoi pas constituer un grand pôle dédié au bois : la France a une histoire de multiséculaire avec le bois. Nous sommes historiquement un pays d’excellence en matière de bois feuillus tempérés. Mais pas seulement. Aux 16 millions d’hectares en métropole s’ajoutent les 9 millions d’hectares outre-mer, où se trouvent 80 % de la biodiversité française et qui comptent plusieurs des « points chauds » de la biodiversité. Notre rapport au bois est culturellement et affectivement très fort, même et peut-être surtout dans une région très urbanisée en son centre. Nous le voyons à l’interprofession tous les jours ».
Propos recueillis par Mireille Mazurier.
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