En région Paca – Provence-Alpes-Côte d’Azur, la forêt couvre la moitié du territoire régional (51 %), ce qui en fait la deuxième région forestière de France, derrière la Corse, qui affiche également un taux de boisement élevé, de 58%.
Mais les deux régions – région Paca et Corse – pâtissent de contraintes géographiques qui ne facilitent pas leur gestion forestière. Les fortes pentes, le relief accidenté, l’altitude, la qualité des voies d’accès rendent les possibilités d’exploitation difficiles sur 57% de la surface en PACA, selon l’IGN, soit près du double du niveau national (31 %). Le pourcentage est encore plus élevé en Corse, avec près de 80% de la surface forestière difficile d’accès.
Pour autant, ce sont des forêts riches en résineux, Pin Sylvestre, Mélèze d’Europe, Pin noir et Pin d’Alep sont les résineux emblématiques de PACA. En Corse, le Pin Laricio et le Pin maritime ne représentent que 20% d’une forêt où les feuillus sont largement majoritaires.
© FlorentP – Pixabay
La région Paca ne dispose pas de grosses scieries
La première transformation de ces bois est le maillon essentiel au développement de la filière bois ; « Mais la région PACA ne dispose pas de grosses scieries comme on peut en trouver dans d’autres régions de l’Est de l’Hexagone », indique Claire Harmand, prescriptrice bois au sein de l’interprofession Fibois Sud, « d’ailleurs, dans le domaine de la construction bois, PACA est loin d’être le meilleur élève à l’échelle nationale. Sur les zones littorales, nous avons des traditions de construction plutôt en pierre, voire en béton. C’est lié à la configuration des lieux, à la proximité avec la ressource, à l’histoire de ces territoires ».
Pour autant, l’interprofession assiste, depuis quelques années, à un changement « dans les habitudes comme dans les mentalités, puisque nous sommes très fortement sollicités à la fois par les maîtres d’ouvrage public, mais aussi par les maîtres d’ouvrage du privé et les bailleurs ». Tous ces professionnels s’interrogent sur l’intérêt du bois dans la construction. Beaucoup, déjà, sont passés à l’action. « Le stade Allianz Rivera, conçu par l’architecte Jean-Michel Wilmotte et réalisé par le groupe Vinci, en 2013, à Nice, est une référence intéressante ».
Depuis, en effet, d’autres bâtiments bois ont vu le jour sur les bords de la Méditerranée comme le CROUS de Marseille (cf. Architecture Bois N°87), une résidence pour étudiants en R+7, livrée en 2017. Avec une structure et des façades entièrement conçues en bois, par le groupe Arbonis, le bâtiment abrite 200 logements étudiants réalisés en CLT (panneaux de bois massif) et montés sur site. Une démarche identique à celle déjà conduite à Aix-en-Provence, à la cité universitaire de Cuques, pour l’ancien restaurant universitaire démoli au profit d’une nouvelle résidence de 350 logements.
Parmi les bailleurs les plus convaincus par le matériau bois, le groupe Nexity vient de réaliser un immeuble de bureaux en R+9, le Palazzo Meridia, encore à Nice, en CLT et poteaux-poutres en bois lamellé-collé. « En PACA, une seule entreprise produit du lamellé-collé ». Les scieries, une trentaine, sont de petites unités, fournissant du bois massif « pour du poteaux-poutres, ou du bardage en Mélèze, c’est parfait ».
La RE2020 a fait office de révélateur auprès des professionnels
Ici, comme en Corse, le bois abouté provient de France et d’Europe. « Le Pin Sylvestre est l’essence le plus importée. Pourtant, nos forêts en sont riches ! C’est une ressource locale qui doit être valorisée ». Pour y parvenir, l’interprofession Fibois Sud a enclenché des travaux de réflexion avec les scieurs régionaux. Le projet serait qu’ils s’unissent en collectif pour répondre à la demande des charpentiers.
« Pouvoir s’approvisionner dans les mêmes quantités, avec les mêmes délais et en faire vivre le territoire, c’est une démarche qui interpelle. Tous les acteurs de la seconde transformation sont concernés. Encore plus depuis la mise en place de la RE2020 ». Pour Claire Harmand, cette règlementation environnementale, en lien avec les évolutions climatiques, a fait office de révélateur auprès des professionnels. « L’indicateur carbone rassure les constructeurs bois et incite les autres à en intégrer plus dans leurs projets ».
Des chalets déjà bien isolés en région Paca
Pour des constructeurs bois, comme l’entreprise Chalets Lombard-Vasina, la RE2020 fait appel au bon sens. « Nos chalets sont, de base, des constructions bioclimatiques. Elles essaient de s’adapter au mieux à l’environnement avec lequel elles doivent faire corps ».
Mathieu Lombard rappelle, d’ailleurs, que dans les Hautes-Alpes, du côté de Gap, de Briançon, rares sont les professionnels de la construction bois à avoir attendu la RE 2020 pour concevoir des bâtiments bien isolés. «La plupart de nos chalets présentent de grandes dépassées de toit particulièrement adaptées pour bloquer les rayons du soleil en été ». Il reconnaît, toutefois, que la règlementation environnementale va nécessiter d’affiner certains paramètres.
L’équipe dirigeante de l’entreprise Chalets Lombard Vasina en région Paca © Jonathann Dupieux – Alpes Photographies
« Étudier plus précisément l’ensoleillement par rapport à l’emplacement des chalets, réfléchir à la gestion de la chaleur dans la construction, aux moyens de chauffage que nous utilisions jusqu’à présent. Avec la RT 2012, nous avons mis en place l’association pompe à chaleur/plancher chauffant. Elle n’a pas lieu d’évoluer. En revanche, nous devrions légèrement augmenter l’isolation de nos murs et sols. Nous allons intégrer aux constructions des équipements de domotique à même d’assurer une meilleure gestion de la chaleur. Nos recherches portent également sur les brise-soleil orientables ». Pour autant, il rappelle que toutes ces améliorations vont avoir un coût. « Nos chalets sont haut de gamme, mais nous ne souhaitons pas que leur prix s’envole. Chez nous, la qualité est synonyme de qualité des matériaux et de durée. »
Parmi les ajustements que le constructeur aimerait voir apparaître dans la RE2020, une certaine simplification des fiches de déclaration environnementales et sanitaires (FDES) ne serait pas pour déplaire. « Ces démarches pour justifier des origines des produits et leur cycle de vie vont dans le bon sens. Mais cela correspond à un travail administratif lourd. Il vient en complément de nos dossiers de permis de construire ; alors que la plupart de nos interlocuteurs dans les différentes administrations, à commencer par les mairies, n’ont pas encore été formés à l’étude de ces documents ». Autre point noir pour le constructeur, les filières de recyclage qui ne sont pas encore au point. Tout ceci nécessite du temps.
Le risque incendie questionne en région Paca
Pour autant, la filière nationale du bois (FNB) a déjà publié des fiches collectives de produits en bois français (murs, éléments porteurs, revêtements extérieurs et intérieurs, etc.) moins pénalisantes que les FDES par défaut mises en ligne par le ministère au départ de l’expérimentation E+C-. Plus localement c’est l’Association Bois des Alpes qui a fait ce travail de rédaction de FDES pour les produits bois issus du massif alpin. Les filières locales ne sont ainsi pas en reste.
« Dans la région, les constructeurs isolent beaucoup avec de la fibre de bois ou de la ouate de cellulose. Il est aussi possible de mettre en œuvre des isolants biosourcés régionaux. Pour cela, il faut se rapprocher d’Envirobat BDM (Bâtiment Durable Méditerranéen) qui fait la promotion des produits locaux, comme la paille, la balle de riz de Camargue ou le liège de la forêt des Maures. Enfin, il existe une entreprise de béton de chanvre spécialisée dans les ossatures bois noyées dans cet isolant. C’est un complexe intéressant à la fois au niveau thermique et par rapport aux incendies ».
L’interprofession travaille d’ailleurs sur deux projets spécifiques liés aux risques incendie. « il s’agit d’une demande initiée par de nombreux architectes qui rencontrent de plus en plus de difficultés à construire en bois dans des zones qui ne sont pas concernées par des plans de prévention des risques incendie (PPRIF). Leurs projets reçoivent un avis négatif des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) ». Pour instaurer le dialogue et une meilleure compréhension entre les différents corps de métier, l’interprofession a mis en place des groupes de travail réunissant les SDIS 13, 83 et 06, deux laboratoires spécialisés dans l’expertise incendie, le centre d’essai au feu (CEREN) de Valabre, et des représentants de l’État. Le but, rédiger un guide sur les solutions techniques qui répondent à la règlementation incendie.
En parallèle, l’interprofession réfléchit sur une approche performancielle des bâtiments. En fonction de l’orientation d’une façade par rapport aux vents dominants et à la proximité de massifs forestiers, dans une zone à risque incendie, comment habiller idéalement une construction bois, quel écran thermique préconiser ? Autant d’études plus que jamais d’actualités. « Ces expertises concernent bien d’autres régions que PACA ou la Corse. L’Occitanie, qui connaît les mêmes pics de chaleur et risques d’incendie que nous s’y intéresse également. À terme, bien d’autres territoires pourraient rejoindre notre groupe de travail ».
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