Conscient que le succès de la construction bois se joue aussi à l’échelle régionale, au plus proche des clients, Architecture Bois interroge à chaque numéro les acteurs qui contribuent au dynamisme de la filière. Ce mois-ci, les entreprises Arcadial, Ledrein-Courgeon, So Habitat et Aucoin Signabois, nous livrent leur vision du marché et de ses évolutions.
Mickaël Perocheau – Gérant
En 2016, lorsque nous avons sorti la collection « Ma première Maison Bois », une gamme de maisons sur catalogue, le succès a été immédiat. Notre objectif était de proposer de la construction en ossature bois à des prix abordables, de démontrer qu’il était possible de réaliser des maisons en ossature bois à ces prix et de le faire rentrer dans les mentalités. En Vendée, nous proposions le m² à 1350€ TTC. La clientèle visée correspondait aux primo-accédants en prêt à taux zéro (PTZ) ainsi qu’aux investisseurs loi Pinel. Aujourd’hui, la gamme représente toujours 20% de notre production.
Entre cette gamme et les maisons sur-mesure qui composent le point fort de l’entreprise, des passerelles se sont mises en place : des clients sont venus, attirés par ces maisons sur catalogue, et leur projet a évolué vers de l’habitat sur-mesure. Cela nous a permis de montrer un autre visage, sans changer notre fusil d’épaule. Notre cœur de métier reste la construction de maisons sur-mesure en moyen et haut de gamme. Mais nous tenions absolument à montrer que la maison bois était accessible.
Nous avons de nouveaux projets en développement. Concrètement, nous avons commencé à répondre, il y a deux ans, à des appels d’offre de constructions en ossature bois pour du collectif. Cela passe par notre filiale, Arcadial Production. Auparavant, peu de promoteurs faisaient du bâtiment bois. Aujourd’hui, ils sont informés et formés. Notre activité dans ce domaine ne cesse de croître. C’est bien la preuve que l’ossature bois est en train de prendre une autre dimension. C’est aussi la meilleure des vitrines pour le développement de l’habitat individuel.
Dans le domaine du bâtiment collectif, le bois est un vrai plus. Par le biais d’Atlanbois, notre interprofession, nous avons pris connaissance d’études sur le comportement des habitants dans des constructions bois. Il y a par exemple moins de turn over. C’est particulièrement intéressant pour les bailleurs car le départ d’un locataire correspond à des frais de remise en état et à des démarches pour retrouver un nouvel occupant. Tout cela coûte cher. Dans le tertiaire aussi, la construction bois a des effets positifs : des études révèlent moins d’absentéisme dans les bureaux construits en ossature bois. Il y a également une étude sur la baisse de l’hormone du stress, mesurée sur des habitants de logements en ossature bois. Ceci est un aperçu des bienfaits que peut apporter la construction bois à leurs utilisateurs.
En 2019, nous allons nous lancer et développer notre propre promotion immobilière, du petit collectif et du logement individuels groupés : du tout fait. L’interprofession nous aide et nous pousse à nous développer dans ce sens-là. Nous réfléchissons avec d’autres entreprises au type de groupement à mettre en place, d’autant que nous avons déjà des projets qui ne demandent qu’à être lancés.
Je pense que la filière bois va prendre une autre dimension dans les deux ans à venir, obtenir plus de parts de marché. Nous-même, nous allons de l’avant. Cela correspond à l’ADN de l’entreprise, chercher, innover, avancer. 2019 devrait être une année intéressante pour Arcadial.
Eddie Ledrein – Gérant
Le groupe Ledrein-Courgeon a fêté ses 30 ans en décembre dernier. D’après un panorama des entreprises de la région, nous faisons partie des 10 plus grosses entreprises d’Eure-et-Loir. Pour autant, notre chiffre d’affaires, environ 5 millions d’euros, n’a rien de comparable à celui d’un grand groupe du BTP. En 30 ans, nous avons effectivement grandi, nous sommes passés de 2 à 33 salariés. Pourtant, au quotidien, on a l’impression de courir tout le temps et de ne pas être assez nombreux pour faire le travail. La raison, ce sont toutes ces normes instaurées au cours de ces dernières années. Elles nous obligent, pour aller de l’avant, à prendre beaucoup de temps. On l’a vécu en passant de la RT 2005 à la RT 2012, bientôt, ce sera avec la RE 2020.
Sur le papier, nous sommes prêts pour la RE 2020. Les essais que nous avons tentés sont positifs. Dans la réalité, nous n’avons encore jamais réalisé une maison entièrement RE 2020. Malheureusement, nous sommes dépendants de textes de loi qui, comme pour la RT 2012, vont encore évoluer, jusqu’en 2021. On navigue à vue, on nous oblige à faire des investissements financiers, des paris sur un système constructif, sur des engagements avec nos fournisseurs, pour être compétitifs en termes de prix. Mais avec la RE 2020, on nous conseille vivement d’envisager une production d’énergie renouvelable, des panneaux solaires par exemple… Chaque nouvelle règlementation thermique a nécessité des investissements industriels, pour nous comme pour nos fournisseurs. L’époque où l’on amortissait une machine en 15-20 ans est révolue. Dans nos ateliers, nous savons qu’il va falloir renouveler certains équipements qui ne seront pas appropriés à la RE 2020. Il est évident que le prix des produits, donc celui de la maison, sera impacté.
Nous avons de plus en plus de projets d’extension. Il ne s’agit pas juste de rajouter un élément à l’existant, il faut repenser le projet intégralement. Cela n’a aucun sens de concevoir une extension parfaitement isolée si le bâtiment d’origine est une passoire. Ces projets sont, pour nous, autant de nouveaux moteurs. C’est le même plaisir qui a motivé notre tandem père-fils, bâtisseur-dessinateur, lors de nos premières maisons sur-mesure, il y a 15 ans.
Nos prochaines années seront coopératives, sans aucun doute. Aujourd’hui, les modes de consommation changent. Dépenser bien et intelligemment sont des propos que l’on entend de plus en plus fort. Parce que nous ne sommes pas des pavillonneurs, mais des bâtisseurs, la coopérative nous semble le meilleur moyen pour réussir le passage à la RE 2020. Nous ne maîtrisons pas les domaines de l’électricité, du chauffage, du photovoltaïque, appelés à devenir encore plus pointus. En nous regroupant avec des entreprises que nous connaissons bien, qui étaient encore nos sous-traitants pour la RT 2012, nous allons créer une coopérative centrée sur la maison individuelle de demain. C’est parce que l’on est bien accompagné que l’on fait des belles choses.
Olivier Foucher – Gérant
En 2018, après une réorganisation sur le plan commercial, avec une nouvelle équipe qui a pris ses marques, la dynamique a payé puisque nous avons réalisé 18 maisons individuelles.
Notre objectif pour 2019 est de faire encore mieux. D’ailleurs nous avons déjà signé pour une demi-douzaine de constructions, mais il faut rester extrêmement prudent. C’est tellement compliqué aujourd’hui. Les derniers chiffres sur la progression de la construction bois indiquent que c’est un secteur qui est encore à la peine. Il a du mal à évoluer dans l’univers de la construction traditionnelle.
Pour autant, la maison à ossature bois bénéficie d’un a priori favorable. Nous couvrons les départements de Maine-et-Loire, dont nous sommes originaires ainsi que la Loire-Atlantique, où la clientèle est très ouverte à la maison bois, passive, bioclimatique. Pour la plupart des gens, la maison bois est synonyme de confort, de bien-être. La difficulté, c’est de rassurer le client par rapport à un système constructif dont il ignore tout, ou presque. Il faut expliquer pourquoi son prix est plus élevé que celui d’une maison en traditionnel. Le chauffage d’une maison bois interpelle beaucoup. Le fait qu’un poêle à granulés suffise par exemple.
La RE 2020 nous parle. Nos maisons n’ont pas eu à être modifiées quand est arrivée la RT 2012. Elles en atteignaient déjà les exigences. La RE 2020, avec le label Énergie +, Carbone – (E+C-), devrait donner raison à la maison bois. On a une vraie carte à jouer. Mais je ne suis pas convaincu que ceux qui vont mettre cette règlementation en place, ont une vraie connaissance de la construction bois. Il faut absolument tenir compte des valeurs inhérentes à chaque matériau, bois, parpaing,… Nos chantiers sont plus rapides, propres, moins énergivores, nos maisons stockent du carbone, ont besoin de moins de chauffage. On répond à tout, mais cela ne se traduit pas encore, dans les calculs mis en place par les thermiciens.
Je suis sûr que l’avenir donnera raison aux constructeurs bois. On avance, on va dans le bon sens. Mais ce sont encore de petits pas.
J’aimerai que l’Etat s’intéresse à la maison bois comme il se préoccupe de la voiture électrique. Il faudrait autoriser le chauffage électrique dans les maisons à ossature bois. Le prix d’un poêle à granulés, conduit et entretien y compris, est beaucoup plus élevé qu’une installation électrique pour chauffer une pièce à vivre de 40 ou 50 m². Ce serait formidable d’autant qu’avec la domotique, c’est devenu tellement facile à gérer, grâce au smartphone qui a complètement révolutionné les habitudes. D’ailleurs, la moitié des maisons que nous livrons actuellement en est équipée. J’espère que la RE 2020 ira vraiment dans le sens de la construction bois.
Fabien Aucoin – Gérant
L’entreprise Aucoin Signabois fait partie de la coopérative de construction Ma Maison ACV, Artisans Concepteurs Vendéens. Cette société coopérative a le statut de CMIste. C’est ce qui nous permet d’offrir toutes les garanties et les assurances d’un constructeur avec un plus : les artisans amenés à intervenir sur un chantier ne sont pas des sous-traitants. Ils sont totalement impliqués car ils sont la coopérative. La construction à laquelle ils collaborent, est leur image, celle de leur entreprise comme celle de la coopérative. Auprès des clients, c’est un gage de sérieux, de qualité.
Depuis la réalisation de la première maison ossature bois de l’entreprise Aucoin, en 1973, par mon père, nous nous sommes tournés vers l’habitat passif. Ce choix a été motivé par l’évolution des règlementations thermiques. Nous avons obtenu la certification Artisan Passivhaus. Les habitations que nous construisons ne sont pas forcément labellisées, mais elles en ont toutes les performances. C’est peut-être pour cette raison que nous avons réalisé, l’an passé, plus de maisons individuelles que d’extensions. Ce sont des maisons avec de beaux volumes, un niveau architectural exigeant. Nous intervenons beaucoup sur la côte vendéenne. La clientèle qui fait appel à nous a le budget pour acquérir un terrain et faire construire une maison.
Par rapport à la RE 2020, la maison passive nous permet, en interne, de conforter nos compétences, notre savoir-faire. Nous voulions aussi pouvoir proposer aux clients des maisons qui ne seraient pas obsolètes une fois la RE 2020 mise en place. L’enveloppe doit être très performante. Ce qui est le cas dans la construction passive avec un traitement spécifique des points singuliers et ponts thermiques.
À partir de là, il est facile de transformer la construction en habitat positif, qu’il s’agisse de panneaux photovoltaïques ou d’un autre système.
Nous mettons l’accent sur l’étanchéité à l’air, la performance thermique, le confort d’été.
Le risque sur des maisons très étanches, c’est que la ventilation s’arrête ou soit mal entretenue. Pour avoir un contrôle sur le bâtiment, son enveloppe et sécuriser les structures que l’on a installées, nous mettons en place, systématiquement, des contrats d’entretien de la VMC. À partir du moment où la ventilation à double flux est bien contrôlée, la construction reste saine.
En Vendée, le climat est tempéré. Si nous avons choisi d’installer une VMC double flux thermodynamique à l’intérieur de nos maisons individuelles à haute performance. Le système de chauffage intégré à la ventilation est suffisant pour chauffer la maison. Le complément que l’on peut installer, souvent un chauffage au bois, apporte une sensation de confort, un visuel esthétique. Nous sommes également vigilants au confort d’été. Pour moi, c’est la seule la faiblesse de la maison bois. Si les apports solaires sont mal gérés, la maison est surchauffée. C’est pour cette raison que nous proposons systématiquement une gestion par domotique des volets roulants et brise-soleil. Plus l’habitat ira vers le passif, plus la domotique aura un rôle essentiel à jouer.
Nous cherchons sans cesse à améliorer nos connaissances. Nous travaillons beaucoup sur le concept des murs perspirants. C’est une solution technique qui permet à la maison de s’autoréguler grâce à l’emploi de matériaux écologiques. Vivre dans une maison saine, c’est une démarche qui parle à de plus en plus de monde. Techniquement, nous avons les connaissances. Et nous le mettons en œuvre au quotidien dans nos projets.
Propos recueillis par Mireille Mazurier – Photos de Une : DR
Retrouvez ce dossier et la liste des constructeurs de la région Pays de la Loire et Centre-Val de Loire dans le numéro 91 d’Architecture Bois.
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