Face à une forte demande en bois, à l’international, les constructeurs s’interrogent sur la pérennité de leur activité. Pourront-ils toujours proposer des maisons bois à des prix raisonnables ? Le point en région Grand Est avec Olivier Stuyts, Directeur Général de DG Constructions Bois.
« Bien que nous ayons plus de demandes que d’habitude, le rattrapage des confinements de l’an passé a été un peu compliqué. Je construis entre 4 et 6 maisons par an. Notre partenariat d’entreprise, Alliance Concept Bois, est un service apprécié par la clientèle. Le fait d’amener des artisans partenaires avec lesquels j’ai l’habitude de travailler, c’est rassurant pour de futurs propriétaires.
En Alsace, le concept de mur perspirant à base de ouate de cellulose est courant. C’est une technique qui vient d’Allemagne depuis plus de 20 ans. Elle permet de réguler le taux de l’hygrométrie à l’intérieur de l’habitat, et ainsi améliore l’air ambiant. Cela crée une sensation de bien-être.
Pénurie de bois et explosion des coûts
Notre actualité, c’est la pénurie de bois et l’explosion des coûts. Pour contourner les difficultés à trouver des bois de charpente, je réfléchis à passer sur des poutres en I. Cela permettrait de faire des murs plus épais. Je passerai à 30 cm en ossature au lieu de 22 cm, pour un prix quasiment équivalent. Et cela me permettrait de répondre encore mieux à la RE 2020. Les difficultés à se fournir sont bien réelles. Pour le bois d’ossature, il y a deux mois d’attente. Pour la fibre de bois, on ne nous donne même pas de délais.
Nos tarifs ont, logiquement, évolué. Pour les deux premières maisons, j’avais encore du stock que j’ai facturé au prix auquel j’avais acheté le bois. En revanche, ce que je suis obligé d’acheter au coup par coup, comme le lamellé-collé que je dimensionne au moment où je fais les plans de la maison. Je le facture selon les prix auxquels je les aurai achetés. Sur le budget global de ces deux maisons, l’augmentation n’a pas représenté plus de 2% à 7%, en fonction de la conception de la maison.
Maintenant, sur les nouveaux devis, je suis 30% plus cher qu’en avril. Le bois a pris 300%. L’impact, pour la clientèle, c’est 30%. Évidemment, cela fait peur pour l’avenir de l’entreprise, mais heureusement, nous avons d’autres cordes à notre arc, comme la rénovation et la couverture.
Je ne crois pas que nous construirons des maisons en ossature bois, l’année prochaine. Avec de telles augmentations, quels clients voudront construire ? Je crains que ceux qui auraient pu être nos clients ne se tournent vers des matériaux de construction « traditionnels ». A moins qu’ils ne reportent leurs projets.
Forte demande en bois : la concurrence allemande
Actuellement, le prix du bois de structure tourne autour de 900€. Auparavant, j’achetais le m3 de bois à 300€. En Alsace, nous ne travaillons qu’avec du bois allemand. Il vient de la même forêt mais de l’autre côté de la frontière, les prix ne sont pas les mêmes. D’ailleurs, un scieur local m’a assuré que produire du KVH, du bois massif destiné à la construction, n’était pas rentable en France. En Allemagne, la filière forêt-bois est subventionnée par l’Etat. Ces aides, qui n’existent pas en France, permettent de baisser le coût de production des élément bois allemands. La conséquence, c’est un prix de vente plus intéressant que celui de produits équivalents en France.
Par rapport à la crise des approvisionnements, je pense que l’Etat devrait être plus vigilant sur les exportations de bois. On nous parle d’annulation d’indemnités de retard. Mais ça ne concerne que les chantiers publics, pas les autres. Toute l’économie ne tourne pas autour des chantiers publics. L’univers de la construction bois reste encore très méconnue, même des ministères dont nous dépendons. Pourtant, la construction bois est un élément de poids pour la future règlementation énergétique.
Je fais un métier passion. Et je ne souhaite pas l’arrêter parce que les matériaux ne sont plus disponibles. J’espère faire une demi-douzaine de maison cette année. J’ai une visibilité jusqu’à l’automne. Après, j’ai d’autres chantiers de plus petites ampleurs pour aller jusqu’à la fin de l’année ».
Propos recueillis par Mireille Mazurier
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