Avec une ressource forestière abondante, un maillage économique riche de 370 entreprises de construction bois et de 350 scieries, la filière forêt-bois en Auvergne-Rhône-Alpes affiche un vrai dynamisme.
« Auvergne-Rhône-Alpes est à la fois une région de production de bois avec 36% du territoire en forêt. Elle est aussi une des premières régions en consommation de bois, avec 370 entreprises de construction bois approvisionnées, en partie, par les entreprises de première transformation, puisque le territoire forestier compte 350 scieries. Ce qui en fait un outil de production important ». Marinette Feuillade est Déléguée Générale de l’interprofession Fibois Auvergne-Rhône-Alpes depuis 2014. « Je suis issue de l’univers de l’agriculture biologique régionale. C’est un parallèle que je fais assez facilement avec celui de la construction bois. J’ai passé 10 ans à essayer de convaincre les agriculteurs conventionnels de se tourner vers l’agriculture biologique et les circuits courts. Aujourd’hui, j’agis de même dans la filière bois pour davantage de bois – première ressource biosourcée – dans la construction. Ma mission concerne aussi la mise en relation des acteurs économiques de la région pour le développement de circuits courts et une meilleure valorisation de la récolte régionale. Ceci suppose une adéquation entre la production de la première transformation et les besoins de la seconde transformation ».
Car c’est l’une des faiblesses de la filière régionale. Si les scieries sont nombreuses, trop peu, encore, sont équipées pour produire des bois techniques, séchés, rabotés, aboutés, collés, pour la construction, la rénovation ou l’aménagement intérieur.
Un tissu d’entreprises dynamiques
Mais, dans la filière bois Auvergne-Rhône-Alpes, la crise sanitaire a fait office d’électrochoc. Une quarantaine de scieries ont candidaté au Plan de Relance de l’État pour investir dans de nouveaux outils de transformation et mieux répondre aux besoins du marché. Pour la Déléguée Générale, c’est bien la preuve d’un tissu d’entreprises très dynamiques : « Même si le plan de relance n’en a retenu que très peu, les services de l’État, de la Région et de certains départements, font en sorte de permettre à chacune de réaliser ses projets. Tout ça, c’est de bon augure ».
En attendant les premiers effets de ces investissements, ces démarches font boule de neige. « Le secteur de la menuiserie, gros consommateur de produits d’import, commence à se sentir concerné. Pour un certain nombre de ces professionnels, acheter en local est devenu un point sensible au point de solliciter des scieries pour qu’elles investissent dans la production du carrelet de menuiserie, par exemple ».
Acheter du bois local et être certifié
Dans l’univers de la construction, certaines entreprises ne s’interrogent plus. Elles se sont lancées dans des démarches de certification justifiant leur ancrage local pour répondre à de nouveaux marchés. Mais aussi, par conviction de l’enjeu environnemental que cela représente.
C’est le cas de l’entreprise altiligérienne Guilhot Construction Bois, constructeur de structures bois, « Nous venons d’avoir notre premier audit, qui a validé la conformité de notre process sur des chantiers réalisés. Cette évaluation est effectuée chaque année, et notre certification est reconduite pour une année », explique Chrystel Guilhot. « Nous sommes certifiés PEFC et Bois des Territoires du Massif Central depuis un an. BTMC™ est l’équivalent de la certification Bois des Alpes, tout dépend du territoire d’implantation de l’entreprise. Au Mazet-Saint-Voy, nous sommes sur le Massif Central, nous pouvons donc prétendre à la certification BTMC™.
Cette équivalence de certification nous permet de répondre aux appels d’offre en Bois des Alpes, car les certifications BTMC™ et Bois des Alpes suivent quasiment le même référentiel d’exigence. L’appel d’offre exigera du Bois des Alpes, mais nous pourrons nous présenter avec du BTMC™. Le chantier sera validé en BTMC™, pas en Bois des Alpes, mais comme l’équivalence est acceptée par le marché d’appels d’offre, tout est parfaitement règlementaire. C’est ce qui nous permet de travailler sur un autre territoire que le nôtre, en vallée du Rhône par exemple».
Engagement environnemental et responsabilité sociétale
« Se fournir sur son territoire, être le plus local possible, c’est un engagement de responsabilité sociétale pour notre entreprise ». Avec la certification il faut justifier le parcours du bois, depuis la coupe de l’arbre jusqu’à la pose sur chantier. « Un de nos scieurs a bien voulu entrer dans cette aventure. Il s’agit de l’entreprise Chaurin, à Marlhes. Il avait la capacité, la structure et l’approvisionnement local. La scierie était déjà certifiée PEFC. » La certification BTMC™ oblige l’entreprise à n’acheter les bois certifiés qu’au scieur qui est entré dans la boucle puisqu’il faut garantir la traçabilité des lots. « Le process est très encadré. Nous travaillons par chantier. Les bois commandés, doivent être placés dans des zones de stockage identifiées. Les certificateurs vérifient que les paquets de bois ne sont pas mélangés depuis la réception sur notre site, lors de la mise en production jusqu’à l’acheminement sur le chantier pour la pose des ouvrages. »
L’exigence de bois locaux pour la réalisation de bâtiments publics, permet aux maîtres d’ouvrage, d’avoir accès à des subventions « mais beaucoup agissent aussi par conviction profonde. L’un n’empêche pas l’autre ».
Filière bois Auvergne-Rhône-Alpes : la qualité du bois avant tout
D’autres restent encore à convaincre. C’est le cas de Joël Saurin, architecte dans la banlieue de Grenoble. « En tant qu’architecte, je n’achète pas le bois. Je me fournis auprès d’artisans locaux qui savent ce que je recherche. Quant à savoir si le bois qu’ils me fournissent est, lui aussi, du cru : je n’en suis pas sûr du tout. Je n’ai aucune hésitation pour le Douglas qui est vraiment une essence régionale. Mais je ne peux pas affirmer que les éléments de Mélèze proviennent du Massif Alpin ; en tout cas, ils sont européens. Connaître leur origine ne me vient pas naturellement à l’esprit, pas plus que je ne m’interroge sur l’usine d’où sont issus les bois traités. Pour ma tranquillité d’esprit, et celle de mes clients, je recherche avant tout une qualité. C’est la raison pour laquelle je me suis tourné vers le bois abouté ». Avec la mise en place de la RE 2020, pourtant, le professionnel est favorable à s’approvisionner plus localement : « Si la qualité est au rendez-vous ».
À l’interprofession, on soulève aussi une autre problématique liée à la première transformation : la valorisation des connexes de scieries à destination de l’industrie (pâte à papier et silicium métal), qui va de pair avec le développement du bois d’œuvre. « L’an passé, nous avons diligenté une étude sur la valorisation de ces connexes. Elle indique clairement notre dépendance au bois énergie et aux quelques entreprises qui le produisent. En complément de production de bois déchiqueté et de pellets, il pourrait être opportun de déployer des usines de panneaux en aggloméré, comme il en existe dans d’autres régions. Cela permettrait de valoriser une qualité de bois industrie pour laquelle nous manquons de débouchés en région, tout en faisant progresser la première transformation. Mettre l’accent sur le bois d’œuvre, c’est nécessaire, mais cela ne suffit pas. Il faut développer tous les usages pour pouvoir valoriser l’ensemble des produits issus de la forêt. »
Filière bois Auvergne-Rhône-Alpes : l’enjeu de l’emploi
Mais les grands enjeux du moment sont surtout liés à l’emploi. « Nous avons une filière très dynamique, avec des entreprises aux carnets de commande particulièrement remplis. Tout le monde veut embaucher. Mais c’est presque mission impossible de trouver la main d’œuvre nécessaire. »
Ce dont témoigne Chrystel Guilhot : « L’entreprise compte 35 salariés alors qu’il nous en faudrait parfois 10 de plus. Il nous est impossible de répondre à certains projets si nous n’avons pas le personnel pour les réaliser. Embaucher aujourd’hui, ce n’est même pas une question de salaires. Il y a des minima dans le bâtiment mais nous sommes largement au-dessus. Je pense que notre milieu professionnel est encore trop méconnu. Aujourd’hui, on oriente encore les jeunes vers nos métiers parce qu’ils ne sont pas « bons en classe ». Alors que nous sommes sur des savoirs et des savoir-faire très techniques. Sur nos chantiers, la plupart de nos employés a un niveau BAC et BTS ; ils posent en consultant des logiciels de dessin via un ordinateur. Nous sommes vraiment dans une révolution technique importante qui ne se sait pas suffisamment. Bien sûr, nous avons toujours besoin de petites mains, mais leur travail nécessite beaucoup de compréhension, de précision. Nous recrutons sur une large cible : dans notre réseau, les CFA, les prescripteurs de l’emploi… Nous formons des personnes via l’apprentissage qui reste la voie d’excellence pour aborder les métiers du bâtiment. Mais nous avons aussi des publics en réinsertion, en reconversion professionnelle… nous ne nous fermons aucune porte, d’autant que, d’un point de vue éthique, tout le monde a le droit de travailler. Ce n’est pas parce que l’on est en situation de handicap que l’on ne peut pas faire de charpente ».
À l’échelle nationale, un observatoire des métiers est en train de se mettre en place « avec une mise en visibilité de toutes les offres d’emploi, de façon à orienter vers la filière bois.
Entre les investissements en cours, les embauches à réaliser, et les règlementations à respecter, les professionnels de filière bois d’Auvergne-Rhône-Alpes avancent en pleine interrogation. Pour autant, leur univers ne cesse de gagner en visibilité, et en part de marché. Ce dont peuvent témoigner les constructeurs d’immeubles bois, tous usages confondus : le matériau bois n’a jamais été autant d’actualité.
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