Est-ce la fréquentation d’un grand-père compagnon charpentier qui a amené Jean-Chrétien Favreau à se prendre, à son tour, de passion pour le bois, depuis la formation de la graine jusqu’à ses applications en architecture ? Depuis le début des années 80, le cheminement de ce diplômé de l’école d’architecture de Paris-La Villette l’a amené à aller toujours plus loin dans son approche des formes de la nature, dans sa compréhension de leurs évolutions. Non sans rappeler, d’ailleurs, un certain Gaudi qui a nourri ses travaux de thèse, à part égale avec ses recherches sur la construction bois.
Rien de surprenant, alors, que son projet, l’ « Ecolocatif en Bois », lauréat du programme CQHE* du ministère de l’Ecologie, ait une forme de fleur. Pour autant cette architecture est bien plus qu’une simple démarche esthétique car la tige, la corolle et chacun des pétales correspondent à un concept d’habitation unique à ce jour.
Offrir à partir d’un mode de construction innovant, une façon de vivre autrement, est inhérent à la démarche intellectuelle de l’architecte pour lequel le fond et la forme sont interdépendants : son immeuble bioclimatique de 12 étages, autonome en énergie, se compose de huit pétales ; tous disposés autour d’un puits de lumière qui réunit visuellement les étages et en éclaire les couloirs. Les accès verticaux se font par des ascenseurs vitrés. Chaque pétale contient une colonne de logements, des studios de 25 à 31 m². Ces appartements sont destinés à des personnes seules, jeunes ou âgées, et l’immeuble est organisé pour faciliter cette existence de célibataire, tout en mettant à disposition des lieux de vie communautaires.
C’est ainsi que le rez-de-chaussée abrite, outre l’accueil et les locaux techniques, deux garages à vélo (plus besoin de ranger le vélo sur le balcon, voire directement dans le studio, ou encore sur le palier commun), et autant de buanderies (gain de place dans le studio et réduction des nuisances sonores pour tous), à proximité des ascenseurs et des escaliers. Tous les logements disposent d’un balcon en acier galvanisé. Pour autant, au 7ème étage, à mi-hauteur de l’immeuble, l’architecte a prévu une terrasse agrémentée de jardins sur 170 m² qui fait face une salle « d’activités » de 140 m².
Au 12ème étage, une toiture-jardin de 470 m², équipée d’une pergola photovoltaïque, permet encore de prendre l’air. Parce que, aux yeux de ce chercheur-inventeur-architecte, « l’architecture n’est pas la forme, mais la morphogenèse de l’édifice adaptée à des besoins spécifiques », ce mode de vie innovant ne peut s’envisager que dans un bâtiment lui-même construit « autrement » : L’Eco-locatif est une construction sèche (pas de maçonnerie), un assemblage de murs et de dalles en bois massif lamellé-collé (KLH/Lignatec), associé à des façades courbes en ossature bois. Outre des qualités parasismiques permettant de résister à un tremblement de terre de magnitude 7, ce système constructif offre nombre d’atouts tant pour ses futurs promoteurs que pour ses occupants : une construction précise (calculs dimensionnels réalisés par un bureau d’études et fabrication informatisée/automatisée des éléments) et rapide puisque les façades sont préfabriquées et posées entières sur le chantier. Le parfait emboîtement de tous les éléments et la compacité de la forme cylindrique en font, de fait, un bâtiment peu énergivore. Qui plus est, la structure tout bois d’une telle tour (24 m de diamètre, et de 35 m de hauteur), apporte une réponse intéressante aux ambitions écologiques gouvernementales en stockant 1100 T de CO² dans ses éléments. Grâce à la conception en panneaux
de bois massif (conductivité : 0,1 W.m-1. K-1) et à son isolation (140 mm de laine minérale dans les murs), l’isolation thermique de l’enveloppe est très élevée, et la consommation énergétique qui en découle est réduite à 33 Kwhep/m²/an, soit nettement inférieure à l’exigence énergétique du label BBC (moins de 50 Kwhep/m²/an).
L’utilisation de l’énergie solaire, sous toutes ses formes, et la récupération de l’eau de pluie participent amplement à ce résultat :
- L’eau sanitaire est chauffée par un chauffe-eau solaire collectif installé sur la toiture-jardin ; le système est complété par une chaudière d’appoint centrale au gaz.
- Les études réalisées sur la circulation des masses d’air ont nécessité de cloisonner tous les flux car le chemin de l’air chaud est le même que celui des fumées. Ainsi, pour prévenir tout risque d’incendie, chaque studio possède un circuit de chauffage qui lui est propre ; il est actionné par un dispositif électrique individuel, une VMC à double flux (Aldes) placée dans le conduit d’entrée d’air, dont la consommation électrique est alimentée par des cellules photovoltaïques.
- La production d’énergie nécessaire au chauffage et au rafraîchissement est produite par 356 m² de capteurs solaires photovoltaïques. Pour ce faire, Jean-Chrétien Favreau fait, là encore, appel à l’innovation en disposant sur toute la hauteur de la façade sud, non pas des panneaux, mais un film photovoltaïque, d’un seul tenant, fin et souple, issu des nanotechnologies (Nanosolar). Il lui associe, en toiture-jardin, des capteurs tubes (Solyndra) fixés sur une structure de pergola. L’objectif de cette installation est de produire 35 000 kWh/an intégralement revendues au réseau EDF. Le coût total du bâtiment s’élève à 5 702 918 € HT soit 1630 € HT / m², pour 3500 m² de SHON.
Retenu par le jury du CQHE pour :
- son innovation architecturale tenant compte des nouveaux besoins de la société ;
- son niveau de performance BBC et un engagement sur les performances ;
- l’approche globale du bâtiment (structures, enveloppes, équipements, finitions) ;
- et le développement de procédés d’assemblage ou modulaires industrialisés ou préfabriqués.
Le projet attend désormais d’être réalisé, et mieux encore, à grande échelle. Vingt-huit ans après avoir donné vie à un habitat groupé en bois, déjà innovant pour l’époque, Jean-Chrétien Favreau ne s’arrêtera pas là.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.