Coronavirus : comment les constructeurs de maisons bois gèrent la crise en Nouvelle-Aquitaine ?

En raison de l’épidémie de coronavirus, plusieurs entreprises de maisons bois ont dû interrompre leurs activités ou remettre en cause leur organisation du travail pour répondre au mieux aux nouvelles normes sanitaires. En Nouvelle-Aquitaine, Architecture Bois a interrogé trois constructeurs de maisons en bois et l’interprofession Fibois Nouvelle-Aquitaine sur cette période particulière. Les entreprises Alaya Maisons Bois, Maisons Arbor et Pascal Lorin nous livrent leur témoignage et leur vision pour l’avenir, en région Nouvelle-Aquitaine.

Témoignage du constructeur de maisons bois Alaya Maisons Bois

Constructeurs de maisons bois en Nouvelle-Aquitaine

Yasmine Serre, gérante de l’entreprise


« La chance a voulu que nous ayons tous nos chantiers terminés avant le confinement. J’ai même pu livrer une maison en Dordogne, fin avril. Et nous avons toujours des projets, dont deux permis de construire déposés au début du confinement. Maintenant, on attend.

Les artisans, les carreleurs par exemple, qui sont tout seuls, ont continué à travailler, mais ce n’est pas le cas des équipes, encore moins sans protection sanitaire. Contrairement à certains collègues qui ont du mal à se fournir en matériel, en menuiseries notamment, nous recevons de notre fournisseur scandinave, toute la structure en madriers, menuiseries y compris. Sauf demande exceptionnelle, comme les baies vitrées provenant de fournisseurs locaux qui ont ralenti leur production, nous ne connaissons pas ces problèmes.

Les retours de nos fournisseurs scandinaves sont édifiants : ils n’ont pas reçu les mêmes consignes de confinement que nous. Ils ne se sont pas arrêtés de travailler comme nous. Ils ont anticipé en constituant des stocks de bois. Dans les usines, les allers et venues des employés ont été rapidement placés sous contrôle sanitaire avec mise à disposition de gels et de masques. Les emplois du temps ont été adaptés et concentrés pour que les salariés passent le moins de temps en collectivité. Comme les transporteurs ont pu continuer à rouler, les livraisons n’ont pas subi de retard, avec des chauffeurs équipés de masques, de gants et de gel.

Des chantiers décalés et des projets en attente

Certains chantiers ont été décalés en raison du retard de réponses de la part des organismes bancaires. Ils sont surchargés de demandes de crédits correspondant aux garanties d’Etat. Un de nos clients, dans le Médoc, a d’ailleurs choisi de faire appel au découvert autorisé pour pouvoir débloquer la fabrication et permettre au chantier de démarrer. Pareil pour l’obtention de la garantie dommage-ouvrage dont les délais sont plus longs.

Je ne me projette pas. J’attends de rencontrer de nouveaux clients. Fin avril, j’ai reçu des demandes de projets d’agrandissements. Je les ai mises en attente. J’avance avec les clients que j’ai rencontrés avant que tout ne s’arrête. En reprenant une activité complète à la mi-mai, cela permet de respecter le calendrier initial. Mais tout retard fera boule de neige. D’ailleurs les équipes de charpentiers avec lesquelles je travaille, ont prévu de travailler tous les samedis et de ne pas s’arrêter cet été. Les mois de juillet et d’août seront des mois de rattrapage. Contrairement à l’habitude qui veut que du 15 juillet au 15 août, il n’y ait aucun chantier sur le Bassin d’Arcachon, cette année, il n’y aura aucune restriction. C’est une très bonne réaction de la part des autorités. Cela va permettre d’aller de l’avant ».

Alaya Maisons Bois
2 rue des Vignes
33470 Le Teich

Découvrez l’une des réalisations du constructeur Alaya Maisons Bois, dans les Landes…

Témoignage du constructeur de maisons bois Maisons Arbor

Cyrille Boisson, gérant de l’entreprise :

« 2021 s’annonçait bien. Pourtant, nous avions été pénalisés par la météo hivernale. Des chantiers avaient même été décalés pour être repris au printemps. Mais les inondations ont laissé la place à cette crise sanitaire, du jamais vu. L’année va être tronquée par toutes ces semaines d’inactivité. La majorité des chantiers ont été arrêtés jusqu’au déconfinement. Je suis arrivé à faire quelques interventions en sollicitant des artisans n’ayant pas besoin d’être en équipe. Mais l’approvisionnement du matériel n’a pas été simple avec des horaires d’ouverture de négoces revus à la baisse et des livraisons de plus en plus espacées. En atelier, les difficultés ont été multipliées par le respect des normes sanitaires, mais aussi par le manque de matières premières.

Sur certains chantiers, j’ai perdu deux à trois semaines, sur d’autres, beaucoup plus. Bien qu’également touchés dans leur travail et leur vie familiale, certains clients ont eu beaucoup de mal à comprendre que leurs maisons ne seraient pas livrées dans les délais convenus. Ceux dont le chantier touchait à sa fin, ont eu le plus de mal. Parmi eux, certains ont été contraints de payer le loyer du logement qu’ils continuent à occuper, tout en commençant à rembourser le crédit de la maison dont le chantier a été interrompu par le confinement. Mais pour nous, la situation n’est pas meilleure.

Un manque de main d’oeuvre à prévoir

Aujourd’hui, je crains énormément la reprise : à vouloir aller plus vite, essayer de rattraper les retards dans tous les domaines, cela va créer beaucoup de tensions relationnelles. Dans le bâtiment, les artisans ne vont pas pouvoir se démultiplier. Auparavant, nous avions déjà un manque de main d’œuvre, le déconfinement ne va rien arranger. On ne pourra pas répondre aux urgences de tout le monde.

La situation m’a fait réfléchir sur mon propre mode de fonctionnement. Je suis depuis 16 ans dans le bâtiment, depuis 10 ans dans l’univers de la maison individuelle et depuis trois ans, auto-entrepreneur. Jusqu’à présent, je signais entre 10 et 15 chantiers par an. Avec la crise, j’ai envie de vivre et de travailler différemment. Je vais revoir le nombre de chantiers à la baisse, faire moins de kilomètres, me rapprocher du terrain et des clients. Le temps n’est plus à celui qui fera le plus gros gâteau, mais au partage ».

Maisons Arbor
24 boulevard Charles de Gaulle
64140 Lons

Découvrez l’une des réalisations du constructeur Maisons Arbor, dans les Pyrénées-Atlantiques…

Témoignage du constructeur de maisons bois Pascal Lorin

Constructeurs de maisons bois en Nouvelle-Aquitaine

Pascal Lorin, gérant de l’entreprise


« À l’extérieur et au soleil, ce sont des deux conditions tout à fait acceptables pour vivre et travailler pendant le confinement, d’autant que notre région a été relativement épargnée par le Covid-19. Bien sûr, nos dessinateurs sont en télétravail chez eux. J’ai deux salariés à l’arrêt, mais quatre ont décidé de continuer. J’ai fourni les gants, le gel et les masques. Nous avons mis en place des règles de distanciation sociale. J’ai mis en place un protocole jusque dans les véhicules en demandant de porter des masques lorsqu’ils sont à deux. Et j’ai donné le choix à mes salariés : respecter ces protocoles ou rester chez eux. Chacun a signé en son âme et conscience.

Tout l’univers du bâtiment est chamboulé, en panique pour certains, avec des maisons à moitié commencées qu’il faut finir et d’autres chantiers signés que l’on ne peut pas mettre en route. Rien n’est simple. Même le déchargement des camions nécessite une mise en place sanitaire. Mais on y arrive.

On avait déjà pris du retard avant le confinement : à Biscarosse et dans la région, tous nos chantiers ont été victimes de pluies diluviennes qui se sont installées à l’automne dernier. Avec deux fois deux mois de pluie, on s’est retrouvé dans l’incapacité de poursuivre les travaux, les maçons, les enduiseurs ne pouvaient plus intervenir. On sortait à peine de cette période. Dans le bâtiment, nous cumulons les retards, pour certains, ce sera fatal.

Pas de reprise générale à 100%

D’autant que les aides de l’Etat ne pourront pas compenser le manque à gagner sur toute la durée du confinement. Le déconfinement ne permettra pas une reprise générale à 100%.  L’entreprise a un cahier de commandes plein, avec près de 18 mois d’avance. Mais nous savons que le comportement de nos clients va évoluer dans les prochains mois, en fonction de leur reprise professionnelle, de leur état de santé aussi…

Nous faisons partie de ces rares entreprises à avoir de la trésorerie. Mais elle fond au fil des semaines. En continuant à travailler, dans le respect des règles sanitaires, je peux continuer à payer l’intégralité des salaires, je ne pratique pas les 84%. Un manque à gagner de 16%, c’est beaucoup pour un salarié.

Je suis bien conscient des aides auxquelles nous pouvons faire appel, pour l’entreprise, mes employés. Mais cet argent, il faudra bien le payer tôt ou tard. L’économie ne se remettra que si l’on se retourne au travail».

Pascal Lorin
300 rue de la Ferronnerie
40600 Biscarosse

Découvre l’une des réalisations du constructeur Pascal Lorin, dans les Landes…

Témoignage de l’interprofession Fibois Nouvelle-Aquitaine

Florent Benoist, Prescripteur Bois :

« Fibois Nouvelle-Aquitaine a mis un peu de temps à se fédérer. La fusion est récente. Elle date du 1er janvier dernier. Nous sommes basés à Bruges (33), Prahecq/Niort (79), Tulle (19), Pau (64) et Périgueux (24). Notre président, Christian Ribes, est également celui de France Bois Région qui chapeaute toutes les interprofessions de France.

Nous vivons une période très particulière, pour autant, nous restons concentrés sur nos tâches. Je suis l’un des quatre prescripteurs bois de la Nouvelle-Aquitaine et ma mission, à travers notre programme d’actions, contribue à tisser du lien entre les adhérents. C’est moins évident par internet. Mais, comme les autres interprofessions, nous travaillons sur un format web accessible au plus grand nombre. C’est peut-être aussi sous ce format que nous proposerons notre formation sur les terrasses bois, le développement des champignons et la présence d’insectes nuisibles. Elle devait avoir lieu en trois sessions réparties sur la Nouvelle-Aquitaine.

C’est aussi de cette façon que nous allons organiser les délibérations concernant le Prix Régional de la Construction Bois. Cette année, nous avons reçu 111 dossiers. Les primés seront annoncés au cours des Journées Régionales de la Construction Bois, prévues en novembre. Le développement de la construction bois en Nouvelle-Aquitaine est en progression constante.

Des programmes pour minimiser l’étalement urbain

La dernière étude nationale, en 2018, fait état d’une augmentation des constructions, tous logements confondus, de +54%, par rapport à la précédente enquête de 2016. L’évolution la plus impressionnante est un bond de 89% pour les logements collectifs (R+2, R+3), en passant de 5,9% à 11,6% de part de marché. Mis à part dans les grandes villes comme Bordeaux, les logements collectifs ne sont pas des immeubles de grande hauteur.

Mais ces chiffres ne doivent pas cacher une réalité : la Nouvelle-Aquitaine n’a pas une culture du bois partout. Hormis le Limousin, les Landes et le Bassin d’Arcachon, c’est la pierre qui prévaut. Mais de plus en plus d’initiatives en faveur de la filière bois et pour l’utilisation des ressources locales voient le jour. D’ailleurs, la progression des logements collectifs est à associer avec les projets de la Région Nouvelle-Aquitaine, dont les dossiers sur l’urbanisme visent à minimiser la consommation de l’espace agricole et de l’étalement urbain. Un avenir fait de moins de maisons urbaines et de grands lotissements, mais de logements collectifs plus nombreux avec une certaine densification.

Une poursuite des projets de rénovation

Deux programmes tendent à exprimer ces projections : le SRADDET est un schéma régional d’aménagement durable et d’égalité des territoires, avec une projection sur 2030, voire 2050. Le deuxième, Néo Terra, est une feuille de route éditée par la Région en 2019 : beaucoup plus de rénovations thermiques et énergétiques que de programmes de construction. Toutes les deux font écho à l’étude nationale éditée par le FCBA et le BIPE, sur l’évolution de la demande finale de bois dans la construction et l’aménagement des bâtiments à l’échelle nationale : elle est basée sur différents scénarii de consommation de bois, avec une projection jusqu’en 2050.

Quatre scénarii y sont décrits : tendanciel, volontariste, alternatif et à objectif à neutralité carbone, ce dernier étant le plus favorable à la filière bois. Il en ressort une importante décroissance de la surface de construction de bâtiments neufs à partir de 2020.  Et une certaine poursuite de la rénovation même dans le scénario le plus défavorable. Tant dans le neuf qu’en rénovation, il semblerait que le bois réussisse à tirer son épingle du jeu, avec une augmentation de son utilisation dans la construction, parce que moins énergivore et renouvelable. Il reste à convaincre que nos essences, Pin Maritime, Douglas et Chêne, principalement, y ont tout leur rôle à jouer. C’est ma tâche de prescripteur ».

Propos recueillis par Mireille Mazurier – Photo de Une : © Maisons Arbor

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