Conscient que le succès de la construction bois se joue aussi à l’échelle régionale, au plus proche des clients, Architecture Bois interroge à chaque numéro les acteurs qui contribuent au dynamisme de la filière.
Ce mois-ci, les entreprises Maisons Zenoa, JMP Maisons à Ossature Bois, Iso Construction et Serru Habitat Bois nous livrent leur vision du marché.
Carloman Drivet
Conseiller Maisons Ossature Bois
Maisons Zenoa
« Les maisons bois représentent encore aujourd’hui une faible proportion des logements individuels neufs. L’atout principal de ce type de construction, c’est sa performance énergétique. Mais elle a été contradictoirement mise à mal par la RT 2012 au profit des constructions traditionnelles en maçonnerie.
En parallèle, on constate malheureusement aujourd’hui encore, que les administrations et partenaires financiers restent prudents dans l’accompagnement de ce type de projet, autant dans l’obtention d’un permis de construire que pour garantir un financement.
Cette conjoncture n’aide pas forcément les constructeurs de maisons bois. En Bretagne, beaucoup ont connu une baisse de l’activité sur les dernières années. On a même vu de belles entreprises arrêter totalement leur activité. De notre côté, nous avons fait le choix de maîtriser notre volume et la qualité de nos produits. Nous restons sur un outil de production artisanal, loin des moyens industrialisés des gros faiseurs. Maisons Zenoa est ainsi un CMIste à même de répondre à tout type de projet de maison sur-mesure.
En ce moment, notre clientèle se compose, surtout, de primo-accédants, avec un profil de célibataire, famille monoparentale, retraité ou pré-retraité. Ce sont des personnes qui recherchent un petit terrain, une petite maison. Leurs budgets sont parfois très modestes : 120 000€ pour la maison et le terrain. Si la prochaine RE2020 fait augmenter le coût de construction, ce ne sera bon pour personne.
Le nombre de demandes ne faiblit pas mais les budgets sont moins importants. Une majorité de projets tourne autour de 100 000 €.
Nous profitons de cette période pour faire évoluer nos produits, la gamme Evolutive notamment. Elle connait un fort succès, soit sur des projets de grandes surfaces, soit sur d’autres plus faiblement dimensionnés ne dépassant pas 55m². On s’adapte à la demande, en proposant toujours une maison en accord avec le projet de vie. On construit aussi beaucoup de maisons de 100 m² en plain-pied. Depuis janvier, nous avons également signé pour de plus gros projets, entre 200 000€ et 300 000€. Ils concernent souvent une clientèle qui a déjà été propriétaire et qui a revendu un précédent logement pour financer son rêve de maison bois.
Pour le moment, nous réalisons deux maisons par mois. On a embauché du personnel à l’atelier et au bureau d’études. L’année est en progrès par rapport à 2018.
La deuxième agence que nous avons ouverte à Vannes, est devenue le moteur de l’entreprise. Nous y accueillons une clientèle plus parisienne. Ce sont, pour beaucoup, des Bretons qui reviennent au pays. Avec d’autres budgets. Nous avons aussi des Nantais et des Rennais. Ils font construire des résidences secondaires qu’ils mettent en location saisonnière. Certains ne sont même pas propriétaires de leur logement principal. C’est une nouvelle clientèle qui a moins de 40 ans. Elle souhaite s’assurer un revenu complémentaire pour plus tard. Ces demandes confirment l’intérêt toujours croissant pour la construction bois. C’est très encourageant ».
Jean-Marc Pasco
Dirigeant
JMP Maisons à Ossature Bois
« Nous poursuivons sur notre lancée avec toujours autant de demandes et un carnet de commandes rempli jusqu’en octobre. Pour l’instant, la possible disparition des aides gouvernementales n’a pas d’influence sur l’activité. Nous avons toujours des jeunes couples au sein de notre clientèle. Ce sont des clients avertis qui ne viennent pas à la construction bois par hasard et qui plébiscite la ouate de cellulose, l’isolant naturel que nous posons dans chaque structure. Leurs projets tournent en général autour de 110-120m². Pour nous, c’est de la petite maison relativement simple à construire.
Le reste de notre clientèle est plus âgée, et aussi plus à l’aise financièrement. Elle recherche des volumes plus importants, entre 130 et 150m², et passe parfois par un architecte. Leur budget tourne en général autour de 250 000€. Pour autant, nos collaborations avec des architectes sont peu nombreuses. Nous traitons plus de la moitié des projets en direct avec la clientèle. Le fait d’être à même de monter et de déposer le dossier de permis de construire, de s’occuper de tous les travaux est un argument porteur.
Depuis un an, nous ne réalisons plus beaucoup de chantiers en hors d’eau-hors d’air, contrairement à une époque. Mais on nous demande plus de constructions de plain-pied, à toiture mono-pente. Ce ne sont pas des maisons appelées à évoluer, à être complétées par une extension ou un agrandissement.
Depuis que j’ai créé l’entreprise, la maison bois s’est démocratisée. On voit de plus en plus d’extensions en bois, beaucoup sur des maisons traditionnelles. L’aspect chaleureux de la structure plaît. Il y a de moins en moins de méfiance à l’égard du bois. Les gens ne nous posent même plus de question sur la durabilité, sur l’entretien.
Nous sommes également menuisiers. En ce moment, nous changeons beaucoup de fenêtres. Mais contrairement à ce que l’on entend, on ne nous demande pas d’intervenir pour améliorer la thermique de la maison. La demande repose sur un changement de matériau, et une amélioration des surfaces vitrées. Nous remplaçons les fenêtres bois à petits carreaux par des fenêtres en aluminium, plus esthétiques, avec plus de surface vitrée, pour plus de lumière.
Nous construisons essentiellement à Vannes, rarement à plus de 25km de la ville. La demande est très forte. Pourtant, nous sommes très nombreux à construire en bois. Mais la population du Morbihan augmente de plusieurs milliers d’habitants tous les ans. Par rapport au marché de l’ancien, le potentiel est énorme. Beaucoup de clients arrivent de Paris ou de Rennes. Ils sont attirés par le microclimat de la presqu’île. Pour faire simple, le golfe du Morbihan ne ressemble pas, en matière de météo, au reste de la Bretagne. C’est la raison pour laquelle je ne vois pas bien l’intérêt de maisons passives ou positives dans ce périmètre. Dans les maisons que l’on construit ici, conformes à la RT 2012, le coût annuel moyen du chauffage n’excède pas 150€…
En réalisant une dizaine de maisons par an, l’entreprise ne cherche plus à se développer. C’est suffisant. La crise de 2011 est passée par là. Elle nous a obligés à diviser le personnel par deux. Nous nous y tenons. Aujourd’hui, nous avons trouvé notre rythme de croisière ».
Stéphane Lefeuvre
Gérant
Iso Construction
« Iso construction est une entreprise artisanale de 13 personnes, spécialisée dans la construction à ossature bois. Mais nous allons démarrer sous peu la réalisation de notre première maison individuelle en CLT (bois massif). Elle a été conçue par l’agence rennaise Quinze Architecture avec laquelle nous travaillons régulièrement et qui est spécialisée dans le bâtiment passif.
La construction passive est donc déjà très présente dans notre activité, même s’il y a peu de certifications, la labellisation représentant un budget trop élevé pour la majorité des clients. Ce type de construction est mise en œuvre à la suite d’une étude PHPP (Passive House Planning Package). Lors de la réalisation, elle est confirmée par deux tests d’étanchéité à l’air.
De façon générale, la clientèle bois se compose de personnes très intéressées et bien informées sur la construction de leurs maisons. Elle ne s’intéresse pas seulement à l’architecture du bâtiment mais aussi à la technique de construction, aux matériaux.
Pour leur répondre, nous collaborons avec tout un réseau de professionnels, architectes ou maîtres d’œuvre, mais on vient aussi nous démarcher directement. Dans ce dernier cas, c’est d’abord pour nous confier la réalisation du squelette de sa maison.
Parce que ces demandes sont de plus en plus nombreuses, nous avons créé une unité dédiée à la maitrise d’œuvre : Iso Concepts. Aujourd’hui, grâce à ce bureau d’étude, nous pouvons gérer le projet de A à Z : réalisation de tous les plans et les études d’avant-projet, dépôt du permis de construire et exécution des travaux. Nous pouvons donc proposer des solutions « clés en main ».
Nous fêtons, cette année, nos 10 ans d’existence ! Quand nous avons commencé, nous étions charpentier-constructeur bois. Nous sommes maintenant à un tournant de notre activité. Grâce à cette nouvelle compétence (la maitrise d’œuvre), mais aussi avec l’aménagement dans nos nouveaux locaux (1500 m2) depuis le mois d’avril et l’investissement dans une machine de découpe et façonnage du bois à commande numérique, nous allons gagner en efficacité et en performance. Nous en avons profité également pour construire un espace showroom technique ou nous exposons des échantillons de différents produits, isolants, menuiseries extérieures …, ainsi que des coupes techniques, ce qui permet aux futurs clients de comprendre la conception de leurs futurs murs à ossature.
Je suis un gestionnaire venu de l’industrie. J’y ai acquis le goût de la rigueur et du travail bien fait. Je suis bien entouré. L’équipe participe activement à notre démarche axée sur la qualité. Les demandes parfois complexes et techniques, exigées par les architectes, ne nous font pas peur. L’entreprise est habituée à s’adapter et à se remettre en cause. Chez nous, chaque dossier est unique, ou presque.
J’aimerais que notre activité se développe encore plus dans le passif. Cette technique nous correspond, parce qu’elle est très pointue et, aussi, parce que l’on se retrouve en concurrence avec des confrères qui affichent le même état d’esprit. C’est une concurrence saine qui nous stimule pour faire encore mieux».
Dominique Serru
Dirigeant
Serru Habitat Bois
« Nous faisons de la maison bois depuis 18 ans, toujours sur le secteur de Vannes, avec une moyenne de 20 chantiers par an.
Je suis maître artisan. Le titre est délivré par la chambre des métiers aux artisans. Je l’ai acquis sur la base de mon brevet de maitrise en menuiserie, d’un certain nombre d’années d’expérience en gestion d’entreprise et de mes connaissances pédagogiques à encadrer les apprentis. D’ailleurs, nous en accueillons régulièrement. Nous formons tout en continuant à nous former : pour la RT 2012, sur les pratiques d’isolation, les freins-vapeur…
L’année dernière, je me suis formé à la maison passive pour en comprendre le fonctionnement et la technique de construction. Mes équipes feront de même en octobre prochain. Continuer à apprendre sur la façon de faire, sur les outillages de plus en plus perfectionnés, c’est indispensable pour aller de l’avant, d’autant que nous préfabriquons nos murs en atelier.
À l’origine, l’entreprise n’avait pas de bureau de maîtrise d’œuvre. Je répondais sur la base des plans amenés par les clients, maîtres d’œuvre ou architectes. En 2009, j’ai créé une deuxième société, un bureau de maîtrise d’œuvre. Depuis, nous réalisons les plans nous-mêmes. Quatre ans plus tard, je suis allé encore plus loin en embauchant un architecte. Il imprime son coup de crayon sur l’architecture des maisons que l’on propose. Ce n’est pas la demande du client qui m’a poussé à ces évolutions. C’est plutôt une réflexion en interne, afin de proposer nos propres types de maison et que la clientèle vienne nous voir pour ça.
Notre force aujourd’hui, c’est de sortir des projets très différents les uns des autres, toujours adaptés au cahier des charges du client. Ce ne sont pas des chalets en bois, ni des cubes. Ce sont des habitations originales dont l’esthétique repose souvent sur un panachage de revêtements extérieurs de belle qualité.
Dans le secteur de Vannes, la maison bois est bien perçue. Je pense que dans les régions Finistère, Nord, Côtes d’Armor, il s’en construit depuis plus longtemps et en plus grand nombre que sur le bassin vannetais. C’est cette visibilité qui a créé la demande chez nous. Plus les gens voient des maisons bois autour d’eux et plus ils s’y intéressent. Les revues spécialisées aussi, ont leur part de mérite.
Contrairement à ce que l’on croit, certains clients ne recherchent pas forcément une maison passive ou un habitat bien isolé, même lorsqu’ils ont le budget correspondant. C’est la surface habitable, la première des préoccupations. Souvent, je suggère des surfaces plus petites afin d’être mieux isolé et de consommer moins. Mais tout le monde n’est pas convaincu.
La construction bois en elle-même se porte plutôt bien en Bretagne, mais j’aimerais que l’État s’y intéresse davantage. Il faut que la filière se sente vraiment soutenue, que nos forêts continuent à se développer pour stocker toujours plus de CO² et alimenter les professionnels de la construction en bois local. Ce sera bénéfique pour tout le monde ».
Propos recueillis par Mireille Mazurier
Source : ABD 93 (Août/Septembre 2019)
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