Conscient que le succès de la construction bois se joue aussi à l’échelle régionale, au plus proche des clients, Architecture Bois interroge à chaque numéro les acteurs qui contribuent au dynamisme de la filière. Ce mois-ci, les entreprises SARL Largeau, Alaya Maisons Bois, Dutour Père & Fils et Cube in Life nous livrent leur vision du marché et de ses évolutions.
Jérôme Largeau – Gérant
SARL LARGEAU
« Grâce à internet, rencontrer un fustier est devenu facile. La plupart des gens est surtout captivée par le système constructif ancestral et toujours aussi étonnant. Car la fuste est construite avec des bois fraîchement coupés qui sèchent avec le temps et le chauffage. Le bâtiment subit alors un tassement et c’est tout l’art du fustier de recourir à des techniques particulières pour la pose des menuiseries et du chevronnage du toit. À Chambon-sur-Lac, dans le Puy-de-Dôme, nous avons fini une très belle maison en fuste. Ce village est un peu particulier pour nous : nous y avons déjà construit 17 habitations, celle-ci y compris ! Ça ne devrait pas s’arrêter là car on vient de m’en commander une autre pour la fin de l’année. J’ai aussi deux projets à l’étude. Nous intervenons à Chambon-sur-Lac depuis 2008, pour des gîtes de vacances, des maisons secondaires et principales. Pendant deux ans, nous sommes même restés en « résidence » pour achever les chantiers dans les temps. Un propriétaire m’avait commandé six gîtes de 130m² chacun. Ça a représenté plus d’un an de travail, et de chiffre d’affaires. Quand on signe un tel devis, et que l’on a une équipe d’une dizaine de personnes à faire vivre, ça met du baume au cœur ! Cette année, nous allons passer le cap des 20 ans ! Entre le jeune charentais commercial dans le bois que j’étais et le fustier corrézien à la tête d’une entreprise de 10 salariés d’aujourd’hui, le chemin n’était pas tout tracé ! Il aura suffi d’un stage, par curiosité, auprès de Thierry Houdart (Ingénieur de l’École Supérieure du Bois et Maître artisan, ndlr.), pour que la vie prenne un nouveau tour. La fuste, c’est une niche dans la niche, pour autant que l’on puisse encore parler de la construction bois comme d’une niche. Nous sommes un peu à part, tout comme notre clientèle dont la démarche n’est pas due au hasard. Ce sont des gens en recherche d’un bâtiment très sain, particulièrement économe en énergie. Je vis tout ça depuis mon petit coin de Corrèze, une région où il y a de l’activité, de la demande, pour les collègues et pour moi. Ici, la filière bois s’est bien développée. Nos scieries locales ont beaucoup de travail, ce qui signifie que la construction bois se porte plutôt bien. Faut-il être encore plus exigeant en matière de règlementation énergétique ? De toute façon, les fustiers suivront. Je ne sais pas encore de quelle façon la RT 2020 interviendra dans nos constructions. Je fais partie de la Fédération des Artisans Fustiers qui est en train de se pencher dessus. Ce sera une nouvelle étape à franchir tous ensemble. Personnellement, je suis assez admiratif du concept. Je veux bien construire de l’habitat positif, mais il faudra que les clients aient le budget pour y parvenir… De mon point de vue, la RT 2012 a engagé une nette amélioration de l’habitat. Par rapport à mon entreprise, bien que contraignante, cette règlementation nous a permis de progresser, de nous améliorer. En attendant, cette année, nous irons livrer une maison de 160m² dans les Ardennes Belges. Une vraie première d’autant que la fuste est un système constructif encore très peu connu en Belgique. »
Yasmine Serre – Présidente
ALAYA MAISONS BOIS
« Je trouve que les gens sont de plus en plus ouverts au bois massif. D’ailleurs, 2019 a démarré sur les chapeaux de roue. On a cinq maisons à réaliser en même temps. Pour l’une d’elle, il s’agit de reconstruire une habitation traditionnelle qui a brûlé. Dans le domaine de la protection au feu, le bois massif est un atout validé par toutes les instances de sécurité, pompiers y compris. Nous avons déjà construit une demi-douzaine d’habitations pour des pompiers professionnels ou volontaires. Ces clients nous ont expliqués que les maisons en bois massif mettent un certain temps pour se consumer. Le bois en carbonisant va s’auto-protéger. Les pompiers nous ont appris que lors d’un incendie, ils préféraient avoir affaire à une maison en bois massif parce que ça leur laisse plus de temps pour intervenir. Comme les maisons en bois massif ne s’écroulent pas, cela leur permet aussi de porter secours aux occupants de façon plus sécurisée. Pour le client dont on reconstruit la maison, c’est l’argument principal en plus du confort du bois. Notre clientèle évolue dans ses modes de fonctionnement. Elle se renseigne de plus en plus sur Internet, moins dans les salons professionnels. La santé est aussi un facteur important qui contribue au succès du bois massif. On reçoit régulièrement des témoignages de personnes ayant des problèmes de santé, dont l’état s’est étonnamment amélioré depuis qu’elles ont emménagé dans l’une de nos réalisations. La capacité du bois à réguler le taux d’hygrométrie dans l’habitation n’y est pas pour rien. En matière d’esthétique de façade, dans la mesure où nous isolons par l’extérieur, nous nous adaptons aux architectures régionales : nous construisons des maisons en madriers au Pays basque, en habillant les façades d’un bardage blanc avec des menuiseries rouges. Dans le Béarn, les façades sont blanches avec des toitures en ardoise et des volets gris. Sur le Bassin d’Arcachon, le style peut être de la volige verticale à couvre joint ou plus contemporain avec du clin horizontal… Le bois n’est visible que de l’intérieur. Parmi les 150 maisons que nous avons fournies en 11 ans, beaucoup ont été réalisées en auto-construction assistée : un artisan accompagne le client dans les phases clés du montage. Il peut aussi faire appel à nos partenaires pour les travaux de maçonnerie, couverture, plomberie et électricité, mais c’est lui qui monte toute la structure en bois massif. La formule « assistée » séduit de plus en plus, le client réalise une vraie économie tout en conservant le plaisir de monter sa maison. Bien sûr, nous répondons aussi aux autres demandes, du prêt à décorer jusqu’au clés en main. Nous poursuivons nos chantiers en espérant que 2019 se poursuive aussi bien qu’elle a commencé ! »
Julien Dutour
DUTOUR Père & Fils
« Mon père a créé l’entreprise en 1986, au Bouscat, à coté de Bordeaux. Il en est toujours le gérant. 10 ans plus tard, il ajoutait l’activité « extension/surélévation » à celle de charpentier couvreur. C’est à cette période que la surélévation s’est démocratisée. Désormais elle représente avec la maison bois 80% de notre chiffre d’affaires. Actuellement nous réalisons un projet de 140m². On crée de plus en plus d’étage complet sur des maisons existantes avec des spécificités différentes. La surélévation a beaucoup évolué. Son esthétique ne doit pas être négligée. Elle apporte du cachet à l’habitation en plus des mètres carré supplémentaires. Avant, une surélévation correspondait beaucoup plus à de l’aménagement de combles. La charpente n’était pas forcément modifiée, alors qu’aujourd’hui, nous avons des chantiers pour lesquels nous créons de véritables espaces. On a deux types de chantiers : les chantiers pour lesquels les occupants restent dans la maison pendant les travaux. C’est le cas pour les habitations en bon état, sans gros travaux de rénovation au rez-de-chaussée si ce n’est la création de la trémie d’escalier. Le deuxième type de chantier en pleine augmentation correspond à l’achat d’une maison dans laquelle on ne conserve que les murs existants périphériques. On procède à une rénovation globale et on surélève la maison en même temps. Ce sont des travaux qui s’apparentent plus à de la construction neuve mais cela reste de la surélévation puisque l’on créé une structure sur de la construction existante. Il s’agit de chantier pour lesquelles le budget est important. Mais le foncier a tellement augmenté sur Bordeaux et son agglomération que la surélévation reste une solution intéressante pour le client. Le coût d’une surélévation tous corps d’état confondus s’établit entre 1700 et 2500 euros le m². À comparer avec le prix du m² à Bordeaux qui est beaucoup plus élevé, il y a toujours un retour sur investissement. La plupart des clients préfère agrandir et aménager leur habitation plutôt que de déménager et d’être dans l’obligation de s’éloigner de Bordeaux. Actuellement, notre carnet de commande est complet pour l’année. Nous souhaitons continuer à travailler comme nous le faisons avec de beaux projets, à l’écoute de notre clientèle. Chaque projet reste unique et part de l’envie du client, de ses besoins, de ses goûts jusqu’au terme de la réalisation. Pour nous, le fait de travailler dans le secteur de la surélévation reste très motivant du fait du caractère spécifique et unique de chaque chantier.
Nicolas Borzeix – Fondateur dirigeant
CUBE IN LIFE
« Je ne suis ni architecte, je n’en ai pas fait les études, ni constructeur, cela correspond au statut de constructeur de maison individuelle (CMI). Je suis chef d’entreprise dans le bâtiment depuis 12 ans. C’est sur cette base-là que j’ai créé ma première société en 2007. En souhaitant faire construire l’extension de ma propre maison, j’ai compris que cela deviendrait la signature de l’entreprise. Nous sommes une entreprise générale du bâtiment, avec un plus : nous apportons au projet, notre goût du contemporain et notre passion pour l’extérieur et le design. Nous avons choisi de décliner le Cube, attenant ou non. À l’origine, nous nous consacrions à des constructions dont la surface n’excédait pas les 50m². Désormais, nous touchons une clientèle très variée : Mme et Mr Tout le Monde, et une clientèle plutôt haut de gamme. Nous réalisons aussi l’aménagement intérieur, quand ce n’est pas la décoration. Nos constructions vont jusqu’à plusieurs centaines de m². Elles sont souvent supérieures à la surface du bâtiment principal. Nous venons d’en finir une de 130m², on va en réaliser une autre de 280m² dans les prochaines semaines. Nous dessinons l’intérieur et l’extérieur de la maison. L’aspect contemporain que nous proposons, séduit énormément, mais notre expérience et notre sérieux comptent tout autant. Contrairement à un architecte, jusqu’au dépôt du permis de construire, nous ne faisons rien payer. Notre but, c’est d’arriver à réaliser les travaux. Notre rémunération se retrouve dans les travaux. Cela se retourne parfois contre nous, lorsque, après avoir monté tout un dossier, nous le remettons et le client le transmet à un confrère. Nous le prenons toutefois plutôt bien. C’est bien d’inspirer. On a la chance de ne pas courir après le travail. Tous les mois, nous livrons 3-4 extensions. Toutes les équipes sont sur chantier. Cette année, nous allons aller encore plus loin, en lançant une gamme de maisons. Nous en avions déjà réalisé quelques-unes, mais on nous sollicite pour en construire davantage. Nous allons prendre le statut de constructeur de maisons individuelles pour une partie de notre activité et passer à la vitesse supérieure. À la clé, une douzaine de très beaux projets. Mais il s’agit d’un autre métier. C’est aussi une autre approche du client. Dans le cas d’une extension, on rentre chez lui. On voit comment il vit, ce dont il a besoin, on comprend ce qui lui manque…. Pour une construction, on va d’abord voir le terrain, nous échangeons beaucoup avec les clients. On participe à la construction de leur futur. Eux-mêmes sont pleins d’incertitudes sur eux, sur la façon dont va évoluer leur famille… alors qu’une extension se justifie par l’existant, c’est la suite. À côté de ces projets, nous réalisons de très grosses rénovations de maisons, des écuries, des cabanes dans les arbres, des logements atypiques. Nous avons dernièrement réalisé des écuries, qui doivent compter parmi les plus belles de la région. Notre territoire s’agrandit énormément vers le Pays basque, à tel point que l’on a ouvert une agence Cube in Life à Anglet. Nous allons aussi en Charente, même en PACA. On nous sollicite pour des projets à l’étranger. L’immobilier devenant de plus en plus cher, les gens préfèrent agrandir plutôt que de vendre et de reconstruire. Repartir dans les travaux, déménager, avec des enfants encore petits, c’est lourd. La conséquence, c’est que les gens viennent chez nous. Avec des projets qui nous donnent envie de nous pencher dessus. »
Propos recueillis par Mireille Mazurier – Photo de Une : © Claire Thibault
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Source: Architecture Bois n°92
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